PROPOS INTRODUCTIFS DE GREGORY BLANC
Madame la Présidente, Cher-e-s collègues,
Sonné, c’est littéralement la sensation ressentie en découvrant le projet de loi de finances 2025. On nous annonçait un effort conséquent pour ceux qui ont largement bénéficié des dispositifs COVID et inflation… que ceux qui furent largement soutenus par l’Etat en situation de crise soient mis à contribution une fois la crise passée. Cela s’appelle un renvoi d’ascenseur. C’est simple, juste, et tout à fait légitime.
Au vu de la situation : qu’il faille collectivement faire des efforts et que ceux-ci soient partagés, tout le monde le comprend. Mais en l’espèce : le cœur de l’effort va être proportionnellement demandé non pas à ceux qui ont plus de moyens, mais à ceux qui se serrent déjà la ceinture. C’est ce sentiment d’injustices qui crée la colère.
A notre niveau, pour les collectivités, les Conseils départementaux sont à l’os. Plus de gras. Mais ce sont eux qui vont être les plus ponctionnés. Oui, il y a de quoi être en colère, surtout quand on lit Christelle Morançais indiquant que la Région Pays de la Loire -à qui l’Etat ne demande que 27M€- peut faire 100M€ d’économie. 27M€ est demandé pour les Pays de la Loire, et… 29M€ pour le Conseil départemental de Loire-Atlantique, qui ne sait pas comment boucler son budget. Cherchez l’erreur.
Pour notre Département, cela va se traduire par 15M€ de ponction. 15M€, c’est grosso-modo ce que représenterait de quoi prendre en charge les 300 enfants en attente de placement. 15M€, c’est plus que les budgets culture, sport et tourisme réunis (9M€), et qui sont des compétences facultatives. C’est dire que, même si on arrêtait toute politique dans ces domaines, on ne résoudrait pas l’équation. Dit autrement, notre Département peine à équilibrer son budget, mais il fait partie de ceux à qui Michel Barnier décide de faire les poches.
Quand on prend un peu de recul : 1re étape, on finance par la dette les baisses d’impôts principalement pour quelques-uns. 2è étape, parce que le déficit est là, sabrer les budgets de la protection sociale et des collectivités qui prennent en charge le social. Et enfin 3è étape, pour l’an prochain sans doute, on augmente les impôts pour tous. C’est là une drôle de philosophie qui met en colère nos concitoyens.
Madame la Présidente, cher-e-s collègues, nous sommes réunis aujourd’hui en Conseil départemental. Nous avons l’occasion de faire entendre ensemble notre voix pour refuser clairement ce choix funeste.
Depuis le début de ce mandat départemental, en 2021, nous ne cessons, les uns et les autres, de constater l’accélération préoccupante des problèmes sociaux. Le nombre d’enfants placés explose, le choc démographique s’impose à nous avec l’arrivée des baby-boomers dans la perte d’autonomie, le plein emploi ne suffit pas à traiter les problèmes d’exclusion et de pauvreté.
Madame la Présidente, nous nous sommes parlés lundi matin à la première heure et avons partagé la même préoccupation. C’est un signal fort qui n’est pas anodin, que majorité et opposition se rejoignent face au Gouvernement.
S’il y a un combat à conduire ensemble vis-à-vis de l’Etat, il y a aussi les décisions qui se prennent ici, au sein même de ce Département. Il y a des choix que nous partageons, quelquefois avec des nuances, et puis il y a nos divergences.
Nos grandes convergences se retrouvent sur les mobilités, les politiques handicap, sur l’insertion, et plus récemment quand vous avez rejoint notre proposition d’investissement pour les EHPAD.
Nos divergences sont claires : nécessité du recentrage sur notre cœur de métier et évolution de nos politiques sociales. Il faut changer la tarification, revoir l’organisation interne et mettre l’accent sur la prévention.
- La tarification. Notre système de tarification n’est plus viable au regard des tensions sociales qui adviennent et vont être croissantes, avec d’un côté ceux qui relèvent des bourses pour les cantines, de l’aide sociale pour l’autonomie, et de l’autre côté ceux qui paient plein pot. Au milieu, ce sont les classes populaires qui sont écrasées. Les efforts doivent être équilibrés, justement répartis. Il faut instaurer le quotient familial ou une progressivité dans les tarifs d’EHPAD. Si les communes le font, ce Département doit pouvoir le faire.
- L’organisation interne de la collectivité. C’est une vieille divergence. Nous voulons territorialiser davantage nos politiques pour mieux associer les acteurs locaux. Nous devons déconcentrer un fonctionnement départemental quelquefois trop centralisé, trop bureaucratique. Dit autrement, la prise en charge de l’autonomie ne se pose pas dans le Saumurois où on manque de places d’EHPAD comme dans les Mauges où des places sont vacantes. Vous venez d’annoncer des expérimentations concernant les Maisons du Département. Nous avons partagé la mise en place de cette expérimentation. Mais nous sommes étonnés du manque de comité de pilotage pour définir le cahier des charges de l’expérimentation. Si les Maisons du Département ne sont que des vitrines, des guichets de proximité, alors on loupe le coche. Nous devons repenser les conventions avec les CCAS pour aller au-delà du seul partage d’information et au contraire articuler l’action des uns et des autres, et mettre les élus de terrain, c’est-à-dire les conseillers départementaux en responsabilité, au sein de Conseils de territoire. C’est un vrai sujet pour approfondir la décentralisation, il y a besoin de repenser davantage d’horizontalité, d’actions communes à l’échelle du local.
- L’intervention sociale sur le terrain. Il faut mettre l’accent sur la prévention. Au fil de l’histoire, le Maine-et-Loire a développé les prises en charge en établissement. Il y en a plus qu’ailleurs. Handicap, autonomie, protection de l’enfance. Non seulement, c’est mal ajusté, a fortiori à l’heure de « l’inclusion » mais ça coûte aussi plus cher.
Il est urgent de mettre l’accent sur la prévention. Lors du BP en mars, nous n’avons pas compris vos choix. Depuis le début de l’année, vous avez mis presque 30M€ pour la prise en charge en établissement. Parallèlement, vous avez baissé l’enveloppe de prévention.
S’il convient de trouver des solutions face à des enfants placés, moins de prévention, c’est plus de chance d’avoir des placements.
Voilà pourquoi nous avons combattu votre décision de baisser le budget des TISF en mars dernier, ces personnels, souvent des femmes, de niveau bac, qui viennent œuvrer au soutien scolaire, à la gestion budgétaire, pour l’hygiène, etc. Il faut développer ce type d’outils, or vous avez baissé les budgets.
Or, que s’est-il passé cette année ? A partir d’avril, plus de nouvelles prises en charge alors qu’il y avait des besoins, et puis, début octobre, les associations, faute de budget, ont convoqué leurs instances représentatives des personnels pour lancer le processus de chômage partiel voire de licenciement. Appel à la grève des syndicats vendredi dernier. Résultat, en catastrophe, vous avez débloqué les fonds. 400 000€, c’est le coût de 8 enfants placés. Ça vaut peut-être le coup d’investir davantage dans la prévention !
Assurément, sur ce point, chers collègues de la majorité, vous auriez pu nous écouter depuis mars, cela aurait évité des décisions prise dans l’urgence, en catastrophe, et de mettre des enfants davantage en tension cette année.
Madame la Présidente, chers collègues, ces divergences n’occultent en rien nos convergences assumées.
Nous pensons que le débat doit être noble et digne. Nous subissons le manque de débats depuis les deux dernières élections présidentielles. Nous ne pouvons que constater à quel point l’absence d’échanges démocratiques met le pays en tension. Les non-dits sont pires que les désaccords. A nos yeux, la force du débat est d’éclairer la pertinence des décisions prises. Conduisons ensemble le débat face à l’Etat, et améliorons ici à cette session les délibérations qui nous sont soumises.