Propos introductifs
Madame la Présidente, cher-e-s collègues,
Au moment de cette introduction, il nous parait important d’évoquer ce qui nous entoure. Comment pourrions-nous ouvrir cette session sans aborder ce contexte, lourd, de violences qui nous entoure et nous dépasse ?
En démocratie, la violence n’a pas sa place. Aucune légitimité, aucun argument, ne peut la soutenir. Pour autant, il nous appartient aussi d’analyser ces violences physiques qui se renouvellent et s’amplifient depuis quelques années. Elles ne concernent plus seulement des franges radicalisées et extrémistes, mais un pan de plus en plus large de la société. Les banlieues, les gilets jaunes, les jeunes salariés. A chaque fois, elles s’enkystent plus profondément, dans un Pays quant à lui de plus en plus bloqué.
Il y a évidemment cette réforme des retraites, que le pouvoir justifie par des raisonnements fluctuants. Cette réforme touche pourtant à l’essentiel : le travail, l’égalité, et la justice entre les salariés comme entre les générations. Plus près de nous, à quelques kilomètres de notre département, à Sainte-Soline, il y a aussi ce combat qui fait écho dans tout le Pays. Là encore, cela touche à l’essentiel : l’eau et ses usages, dans un monde qui s’assèche.
Notre Pays se bloque, non pas sur un projet de quelques millions ici ou de quelques milliards là, mais parce que le dialogue normal, civilisé, est devenu inexistant. Dans une France fragmentée, où les familles sont éclatées, recomposées, où les emplois s’enchaînent les uns après les autres, où les lieux de résidence et de vie se succèdent, où les cultures s’entrechoquent… dans cette France-là, les moments où l’ « on fait ensemble et société » sont de plus en plus rares, les espaces et les moments où l’on se parle, où l’on prend le temps de s’écouter, se comprendre, bref, où l’on dialogue, où l’on définit une trajectoire partagée avec des objectifs communs, où, pour le dire d’une simple formule, « on partage une même citoyenneté », ces espaces-là et ces moments-là font cruellement défaut.
Lorsque les différences ne se rencontrent plus, il ne peut plus y avoir d’enrichissement mutuel. C’est simple à comprendre et pourtant devenu si complexe à mettre en œuvre. Le « c’est la faute à l’Autre » ou « c’est la faute à l’Etat » serait une nouvelle fois trop rapide, quasi à côté du sujet. Lorsqu’une société est bloquée parce qu’elle ne dialogue plus, cela concerne chacun, chaque citoyen mais aussi chaque institution.
Pour qu’il y ait dialogue, il faut des lieux, des espaces, des calendriers, des volontés.
Nous sommes ici représentants élus des différents territoires du département, réunis en session politique, pour discuter non seulement des compétences de la collectivité, mais aussi pour aborder les problèmes du Maine-et-Loire. Et de ce point de vue, les problèmes du Pays sont aussi les nôtres.
Davantage même : l’eau, le travail, l’inclusion sont au cœur des compétences que nous assumons. C’est pourquoi nos politiques publiques doivent contribuer à façonner ces rencontres entre les différences géographiques, générationnelles, sociales et culturelles. Comment ouvrir cette session dans ce contexte de crise sociale, post gilets jaunes et post covid, sans interroger aussi ce que produit notre institution départementale ?
A nos yeux, il y a certes d’un côté la fabrique des politiques publiques de la collectivité, et nous le redisons une nouvelle fois : le climat des échanges entre élus a ici évolué. Oui, il y a une majorité et une minorité au moment des votes et des arbitrages -c’est normal-, mais il y a aussi des représentants de territoires différents qui, en commission, travaillent ensemble. Et nous le voyons fréquemment : les frontières ne sont pas toujours là où certains les pensent.
Et puis de l’autre côté, il y a la fabrique de la société elle-même, c’est-à-dire la façon de construire opérationnellement du lien, de mettre en forme les schémas et budgets, de coconstruire avec les acteurs de terrain, bref : partager du sens dans l’action. De ce point de vue, les marges de progression sont réelles : en 12-13 ans, ce Département a fermé ou supprimé des lieux de dialogue (le comité d’expansion du fait de la loi NOTRE dans lequel on fabriquait du lien, les commissions locales d’insertion qui pourtant continuent d’exister dans des départements autour de nous, …). Ici, la prise de décision a été recentralisée alors même que les politiques publiques ont été quant à elles plus territorialisées. La décentralisation, c’est rapprocher les décisions de ceux-ci qui sont en premier concernés. Ici, in fine, les politiques sociales ont été verticalisées.
C’est pourquoi, si cette critique que nous formulons depuis plusieurs années n’est pas nouvelle, nous la réitérons : ce Département doit créer de nouveaux espaces de dialogue, de concertation et de travail en commun dans les territoires.
Sur le social, nous insistons pour que s’ouvrent des lieux d’échanges à l’échelle des Maisons départementales de solidarités, les MDS, bras armé du Département, où se logent les PMI, les assistantes sociales, les chargés d’insertion. Avec les professionnels et associations de terrain, les usagers, les élus de chaque canton, nous devons y croiser les regards et clarifier les objectifs. Bref : éviter les actions « chacun dans son couloir » mais au contraire, mutualiser, être plus efficient.
Il serait tout de même fâcheux d’afficher des beaux objectifs dans les schémas, avec de jolis slogans – que nous partageons – sur l’autonomie et le maintien à domicile aujourd’hui, sur l’enfance-famille en Juin prochain, et de passer à côté de ce qui construit l’inclusion dans les faits et l’opérationnel. Pour éduquer un enfant, nous avons besoin de tout un village dit un proverbe africain. Pour inclure une personne fragile, c’est la même chose. Concrètement aujourd’hui, quelques questions se posent :
- Quelle est notre vision de la place des aînés en 2030 ? Quelle place pour les personnes en situation de handicap ?
- Quel parcours résidentiel dans la perte d’autonomie ?
- Comment construire les partenariats ?
- Et puis : quelles trajectoires budgétaires d’ici à la fin du mandat ?
Voilà ces questions qui nous sont posées auxquelles nous devons répondre clairement.
Pour qu’il y ait inclusion dans une société fragmentée, nos outils et méthodes doivent fabriquer du commun. C’est avec cette conviction, Madame la Présidente, cher-e-s collègues, que nous aborderons les dossiers au débat lors de cette session.
Je vous remercie de votre attention.
Propos conclusifs
Au moment d’exprimer notre vote sur cette décision modificative, il faut regarder ce qui est inscrit -400 000€- et… tout ce qui ne l’est pas. Ce qui est inscrit : 400 000€. Et tout est résumé là : nous venons de discuter d’un nouveau schéma autonomie mais il n’y a pas une seule traduction concrète dans le Budget.
S’il y a un nouveau schéma et de nouvelles orientations, ça doit se traduire dans les chiffres. Là, il n’y a pas d’évolution dans les chiffres : pas forcément en plus, mais au moins en faisant évoluer les lignes entre-elles. Là, ce n’est pas le cas. C’est sans doute que ce n’est pas clair, pas encore abouti.
Vous nous demandez de vous faire confiance. C’est ce que nous avons fait lors du Budget Primitif : il devait être inscrit des crédits de paiement pour la rénovation des EHPAD dès cette session. Et puis entre-temps, il y a eu une discussion non pas en commission avec tous ses membres sur la façon de ventiler ces crédits, mais au sein du seul exécutif et une remise en cause unilatérale de l’engagement pris à l’unanimité.
Donc, désormais, on ne votera non pas sur des engagements, mais sur des faits. Or, les faits ne sont pas là, on ne votera donc pas cette DM. Quand les faits seront là, conforme à ce qui a été décidé, à l’unanimité je le rappelle, on vous suivra. De notre point de vue, la parole politique doit être suivie des actes. Si elle ne l’est pas sur des choix politiques, alors il faut expliquer les arbitrages politiques. Il peut y avoir débats, accords ou désaccords mais il n’est pas possible de se réfugier derrière des explications techniques. Dans les faits, vous ne mettez pas plus d’argent pour l’investissement dans les EHPAD, l’habitat alternatif, les résidences autonomie. C’est votre choix. Le nôtre, on l’a proposé au budget avec une autre trajectoire qui était possible. Nous voterons donc contre cette décision modificative.