Orientations du Schéma Enfance-Famille - Intervention de Grégory Blanc

En un peu plus de 10 ans, le Budget de la Protection de l’enfance aura presque doublé. Si l’appel à projet décidé ici par la majorité sous le précédent mandat a accéléré la déstabilisation du secteur et sans doute coûté à la collectivité près de 10 M€ comme nous le pensions et comme l’a dit le CRC.

Faire le diagnostic de l’existent ne peut se résumer à cela. La Protection de l’Enfance est souffrante surtout en France, et de ce point de vue, nos spécificités locales sont largement, volontairement diluées par l’importance du flux pour tous les Départements.

Nous sommes chargés ici de fixer des orientations à 5 ans dans un champ où prédomine la gestion au jour le jour, dans un champ où la crise du Covid, les effets du réchauffement climatique et des mouvements migratoires, les phénomènes de décohabitation et de métropolisation … tout cela impacte notre vie collective, le fonctionnement des familles et l’autorité parentale. Il est difficile de prévoir à 5 ans. Il faut fixer des lignes mais aussi dès le schéma, faire preuve de souplesse pour ajuster nos actions. Le travail en commission a été constructif et les orientations qui sont soumises au vote résultent d’un travail réellement collectif. Il y a des nuances entre nous certes mais sans doute étaient-elle davantage sur nos expériences et la réalité de nos territoires que de différences de sensibilités. Il faut le dire. Nous sommes au stade des orientations, nous allons être dans le dur avec les fiches actions.

A ce stade, chers collègues, il parait utile de faire ressortir quelques remarques.

1re remarque : 6 mois : c’est la durée moyenne entre une décision du juge et le placement effectif. Dit autrement, en Anjou, entre le moment du signalement et la réalité de la prise en en charge, il s’écoule près de 8 à 9 mois. Un enfant en danger reste en danger 8 à 9 mois. Cette réalité est insupportable. De là, le débat est posé : de manière très schématique : faut-il mettre le paquet pour gagner quelques semaines et accélérer la prise en en charge ? Où faut-il trouver des solutions de prise en charge temporaires pour sécuriser autant que possible dans l’attente d’un accueil définitif ? Les deux évidemment, mais ça s’est facile. Par contre : où situer correctement le curseur ? Là c’est beaucoup plus difficile.   

2ème remarque qui découle de la 1er : Comment organiser la prise en charge ? il faut de notre point de vue, approfondir la territorialisation. L’objectif fondamental, ce doit être de construire les conditions, à chaque fois que possible, du retour dans la famille. Trop souvent, la sécurisation de l’enfant abouti à oublier la sécurisation de la famille. Evidemment, il y a trop de situation violentes qui rendent impossible ce retour. Pour autant, nous devons dans nos orientations affirmer cet objectif. Retirer un enfant ne doit être que temporaire par principe.  Travailler sur l’enfant doit donc aller de pair avec un travail plus approfondi sur la parentalité, même quand l’enfant est placé. Pourquoi c’est important de le dire et de l’affirmer, parce que le dire c’est déjà repenser nos dispositifs et la hiérarchisation de nos dispositifs. Travailler sur la parentalité, ça signifie donc rapprocher la prise en charge du lien de vie des parents. Encore une fois, à chaque fois que c’est possible.

L’appel à projet a créé trop de tensions. La territorialisation est une orientation que nous avons tous partagé ici. Il faut approfondir, réduire les distances entre la famille et l’enfant, mais aussi entre l’école et les institutions.

Territorialiser, ça veut dire aussi mieux articuler ce qui fait la vie au quotidien : trop d’enfants placés qui ne font pas de sport, pas de musique, pas de loisirs. Si nous voulons ne société d’inclusion, cela passe par une meilleure coordination en proximité.

De ce point de vue, nous croyons aussi à la place de l’élu qui a pour fonction d’être aménageur du territoire. Nous siégeons dans les collèges, nous connaissons le tissu local. Pour la protection de l’enfance aussi, il est indispensable de remettre du politique en proximité en mettant les conseillers départementaux au cœur du pilotage des MDS. Nous devons pouvoir appuyer les techniciens du Département. Ce n’est pas le cas aujourd’hui.

On nous objecte le secret professionnel. Mais quand on perd le logement, les conditions d’attributions… les infractions partagées sont très intimes. Ça marche, parce qu’on descend au niveau de la cage d’escalier. Il faut remettre du politique en proximité au département, pas ce contexte de pilotage au niveau central.      

3ème remarques : Si on territorialise, alors il faut réussir à mieux articuler prévention et placement, ensemble.

Prévention :  Je le redis, ce Département a la responsabilité de la sécurité des mineurs. Nous devons avoir une palette plus large d’intervention. Permanence éducative, prévention spécialisée … nous devons coordonner ces outils avec la police, la justice, l’éducation dans chaque commune. Voir des gamins de 8-10- 12 ans au contact des trafics. Ce n’est pas possible. Voir des gamins ne plus aller à l’école, ce n’est pas possible. Le champ de la prévention spécialisée doit être élargie, il faut expérimenter.

Placement : Sans doute devons-nous réfléchir et territorialiser l’accueil d’urgence. 1 seul centre départemental ce n’est pas satisfaisant. Le village St Exupéry doit faire des petits.

Mais pour tout cela il faut des moyens. Les moyens de notre point de vue ne sont pas que des financiers. Ils le sont aussi. Il y a un sujet sur l’attractivité des métiers. Créer des places sans personnel ça ne marche pas. Pour autant de quels types de personnels avons-nous besoins ? Et où devons-nous mettre l’accent ? Bruno Cheptou en parlera.

Voilà des questions qui sont devant nous. Pour notre part, nous pensons et avons demandé que ce schéma soit conçu comme un schéma de transition, un schéma où on fixe à la fois des orientations claires mais où en même temps, on se donne chaque année la possibilité de les corriger pour adapter, apaiser, approfondir.

Françoise Damas et la Commission ont accepté notre proposition d’une clause de revoyure annuelle. C’est essentiel, parce que c’est la condition pour évaluer et ici, dans ce Département, c’est nouveau. C’est une évolution majeure. Voilà quelques mots, quelques remarques sur ce schéma sans doute le plus structurant de notre collectivité.

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