Habitat inclusif  Entretien avec Bruno Cheptou

Habitat inclusif Entretien avec Bruno Cheptou

Repenser la question du logement pour lutter contre la perte d’autonomie 

 

Entretien avec Bruno Cheptou

 

Bruno Cheptou, vous êtes Conseiller départemental du Maine-et-Loire, élu sur le canton de Doué la Fontaine. Vous siégez à la « Commission autonomie » relative aux personnes âgées et personnes en situation de handicap.
Aujourd’hui, vous allez nous parler d’« habiter autrement », de comment on peut envisager le logement des personnes fragilisées en perte d’autonomie.

Bruno Cheptou : L’habitat inclusif constitue en effet une manière différente « d’habiter ». C’est une alternative au logement à domicile (logement ordinaire) et à l’accueil en établissement (l’hébergement).

L’idée est de combiner en un seul habitat plusieurs logements individuels indépendants, avec des espaces de vie partagés. De plus, ces espaces inclusifs doivent être adaptés aux habitants, sécurisés, accessibles et proches des services.

 

Vous parlez de s’adapter aux habitants. Quel est le public ciblé par l’habitat inclusif ?

Bruno Cheptou : L’habitat inclusif concerne soit les personnes en situation de handicap, soit les personnes âgées, soit les deux. Par exemple, des projets s’adressent exclusivement à des personnes porteuses d’un ou deux handicaps. L’accueil, l’aménagement des lieux et le profil des professionnels accompagnants sont adaptés aux contraintes liées au(x) handicap(s). On est ainsi certains d’assurer un accompagnement ciblé et des soins adaptés. L’idée est la même pour les personnes âgées. L’enjeu est vraiment de bien penser le projet afin qu’il corresponde au mieux aux besoins de leurs habitants.

 

Quel est l’intérêt de l’habitat inclusif par rapport aux établissements d’hébergement classiques comme les EHPAD ?

Bruno Cheptou : A mon avis, tout l’intérêt de l’habitat inclusif réside dans la prévention de la perte d’autonomie et la lutte contre l’isolement.

 Les personnes fragilisées sont chez elles mais pas seules. Elles partagent des moments de vie avec les autres habitants, ont accès à des soins médicaux, peuvent solliciter un accompagnement social ou une offre de services sanitaires.

La réglementation impose aux habitats inclusifs de prévoir un projet social. C’est extrêmement important que les habitants soient partis prenantes et participent à l’élaboration du projet de vie sociale. Ça crée une dynamique très vertueuse.

L’association Simon de Cyrène à Angers est un bon exemple. Elle développe et anime des « maisons partagées », des lieux de vie où adultes valides et en situation de handicap partagent une relation amicale et solidaire dans le but de « vivre chez soi sans être seul ». C’est un beau projet !

Et dans le Maine-et-Loire, est-ce que l’habitat inclusif se développe ?

Bruno Cheptou : Certains Départements sont plus en avance que d’autres. C’est le cas du Département de la Gironde qui est le fer de lance de l’habitat inclusif, principalement pour les personnes en situation de handicap. Il a été reconnu dès 2017 comme un Département précurseur en matière d’habitat inclusif. Fin 2018, la Gironde était labellisée  » Territoire 100% Inclusif  » mettant l’inclusion des personnes au cœur de l’ensemble de son action publique.

    En Anjou, nous ne sommes pas les plus avancés ! J’interviens régulièrement lors des réunions de la « Commission Autonomie » et des sessions Départementales pour interpeler mes collègues sur l’importance de tels dispositifs. Les Départements ont la possibilité de soutenir financièrement et accompagner les projets d’habitat inclusif. Le prochain Conseil départemental commencera par cette question de l’habitat inclusif. Le Département commence à s’en emparer. Affaire à suivre…

     

    Urgence sociale, mesures départementales

    Urgence sociale, mesures départementales

    Nos propositions aux parlementaires, en faveur d’une relance

    Nous traversons une crise historique. C’est l’opportunité de réfléchir au « Monde d’après ». Nous avons d’abord l’obligation d’agir dès à présent. Chaque niveau de collectivité locale doit intervenir vite, de manière efficace, donc cordonnée, pour limiter les impacts, soutenir notre économie bien sûr, mais surtout nos populations, et éviter des décrochements irréparables.

     

    Créer des fonds sociaux départementaux

    Face à l’urgence économique, les Régions – cheffes de file « économie » avec les intercommunalités- ont réagi promptement à la suite de l’Etat, ont innové et coordonné des actions de soutien au monde économique. Des fonds « résilience » et « rebond » maillent désormais le pays pour compléter les mesures prises par le Gouvernement.

    Face à l’urgence sociale, il est tout aussi urgent que les Départements -chefs de file sur les solidarités- pilotent et coordonnent les actions d’accompagnement aux personnes. Nous devons créer dans chaque Département des fonds d’urgence sociaux, abondés par chaque niveau de collectivité, ouverts aux mécènes, aux citoyens… pour faire face à l’urgence alimentaire, au décrochage scolaire, à l’isolement de certains de nos aînés, concitoyens porteurs de handicap ou indigents. Par ailleurs, nos EHPAD connaissent actuellement des surcoûts et demain des déficits. Il n’est pas possible pour eux de revenir au « monde d’avant ».

     

    En période de crise, la solidarité doit être concrète pour chacun : comment construire l’union nationale en laissant une partie de la population de côté ? Au-delà des plus vulnérables, il y a aussi les travailleurs précaires qui sont sous la tutelle des Départements. Les personnels soignants et des salariés de la grande distribution vont toucher une prime, mais dès à présent, Etat et Départements doivent affirmer que les personnels médico-sociaux et les aides à domicile seront également reconnus. Ils vont au contact des plus vulnérables. Les masques ont déjà tardé pour ces employés qui gagnent autour de 1 000€ par mois. Aux paroles de revalorisation de ces métiers doivent suivre des actes à l’issue du confinement, à la hauteur de ce qui leur a été demandé.

     

    Décloisonner médical et social

    Alors que tout le monde se félicite des orientations vers le « tout inclusif », permettant à nos aînés et nos concitoyens porteurs de handicap de vivre au sein de la société, en milieu ordinaire, cette crise révèle les carences de nos systèmes. 25% des français n’ont pas accès aux soins dont ils ont besoin, pour des raisons de coût autant que par manque de prévention. En période de pandémie, on en mesure l’impact !

    Il est urgent de mieux coordonner le sanitaire et le social. De ce point de vue, la prévention et le suivi de la Protection Maternelle Infantile (PMI) doivent être partie intégrante des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), dont le développement doit s’accélérer. Les Départements doivent pouvoir construire leur action sanitaire en lien avec les CHU. En Maine-et-Loire, le déploiement du réseau Coville a été un succès. Appuyons-nous dessus.

    De même, pour l’aide à domicile, la loi Grand Âge doit voir le jour rapidement. Sa priorité apparaît comme une évidence pour faciliter la prise en charge médicale quotidienne à domicile, fluidifier l’action des hôpitaux et celles des intervenants en ville.

     

    Préserver nos savoir-faire

    Dès la sortie du confinement, des pans entiers de notre économie vont traverser une crise aussi violente que celle de 1929. Il existe depuis des dispositifs de solidarité (chômage, allocations…) dont nous avons mesuré la nécessité en 2008. Mais l’enjeu principal, c’est l’emploi. Dès à présent, des conférences de l’emploi doivent être programmées, réunissant par bassin Etat, Région (formation – économie), Département (insertion), intercommunalités et partenaires sociaux. Les réponses pour le Saumurois où l’économie touristique est majeure ne peuvent être les mêmes que pour l’arrondissement de Cholet, plus industriel. Pour autant, pour développer une économie, les capitaux financiers ne suffisent pas, il faut avoir préservé le capital humain, les compétences professionnelles de chacune et chacun, souvent transférables.

    Aussi, les blocages administratifs empêchant le déploiement d’actions d’insertion en entreprise doivent être levés. Nous devons donner les moyens au secteur de l’insertion d’innover, en allant sur des métiers plus qualifiés. Des expérimentations se font et fonctionnent. Nous le proposons depuis 10 ans dans ce Département, pour faciliter le retour à l’emploi. Là aussi, passons aux actes pour préserver les savoir-faire dans le tourisme, la restauration, les services de proximité, …

     

    Bien évidemment cela doit se faire en prenant en compte l’urgence climatique, en préparant des plans de relance par la mobilisation des capacités d’investissement de chaque collectivité, en soutenant l’activité par la commande publique et en préparant la relocalisation stratégique de notre économie. Il n’y a pas de solution unique pour répondre aux défis qui s’imposent à nous, voilà pourquoi chacun doit assumer pleinement sa compétence. Les Départements sont chefs de file de l’action sociale. Avec l’Etat, ils doivent piloter, innover, coordonner les actions qui concernent les hommes et les femmes, comme les Régions et l’Etat ont réussi à le faire pour les entreprises.